Se faire un NON

Se faire un NON
Eloïse Deschemin
Se faire un NON n’est pas une pièce comique, et pourtant, on en
ressort le sourire aux lèvres, tant la pièce pour quatre interprètes
de l’angoumoisine Eloïse Deschemin réjouit. Pourquoi ?
Parce qu’elle génère plein de questionnements, apporte plein de
réponses – complètes ou non, pas toujours aux questions posées –
par le biais de compositions de corps, de gestes et d’objets aussi
référencées que facétieuses, comblant ainsi autant le cerveau que
les yeux.
Dans cette nouvelle pièce, sa troisième, Eloïse Deschemin veut
créer des univers, et s’y applique : ils sont dix, cent, mille peut
être, tant chaque élément est support à la rêverie. Tous sont d’un
féminin subtil et désinvolte qui se débarrasse des clichés qu’on lui
colle souvent sans nuance. À quoi cela tient il ?
Simplement à l’interprétation. Les danseuses font apparaître et
disparaître des tableaux éphémères, qui parlent politique,
sociologie, art, culture et pouvoir. Un imaginaire puissant, tous
azimuts, gourmand dans les images qu’il génère : femmes tribales,
femmes enfants, femmes fatales, animaux de la Fontaine,
personnages de contes, monstres, idoles et vulgaires, paresseuses,
joueuses, coureuses, spirituelles et déconneuses. Ici, pas
d’hommes, et ils ne manquent pas : ces femmes créent elles-
mêmes leurs sociétés, les rêves, l’être, l’émotion, et d’une plante
font une forêt, d’un totem démantelé un diorama, d’une danse
qu’on imite un message sur la communauté…
On craint parfois le trop d’accessoires. Eloïse Deschemin gère sa
scénographie : elle n’en prend aucun de superflu, tout semble
servir plus de fois qu’il est manipulé. D’un tableau à l’autre, il fait
encore écho. Devant l’intelligence de la progression, on s’inquiète
vite d’un final comme en voit trop ces derniers temps – un simple
noir au milieu de tout et de rien : que nenni, elle parvient encore à
faire sourire, à surprendre son spectateur, et à faire presque
regretter que ces mondes soient seulement imaginaires.

Charles A. Catherine
Ballroom N°18 – AVRIL JUIN 2018